Quand le NPA du Nouveau Front populaire évoque les comités de soldats

Après avoir été éprouvé par le départ de RP en 2021 et après avoir décidé la scission avec la moitié de sa propre organisation en 2022, l’appareil du NPA-AC tente de se donner un vernis révolutionnaire en célébrant les comités de soldats des années 1970 animés par la Ligue communiste (n° 711, p. 5 ; n° 720, p. 5). Pourtant, le travail antimilitariste de la LC est incompatible avec l’actuelle ligne front populiste et pacifiste du NPA-AC.

Jusqu’en 1996, quand Chirac fait le choix d’une armée de métier, le service militaire d’un an était obligatoire en France pour les jeunes hommes.

L’orientation de la pseudo « 4e Internationale » de Mandel, Hansen et Moreno est depuis 1963 procastriste. En France, dans la LC-LCR, de Bensaïd, Weber et Krivine, la préparation de la guérilla est défendue avec vigueur par Bensaïd.

Dans cette optique, la LC-LCR ranime la tradition antimilitariste de la CGT anarchiste d’avant la 1re Guerre mondiale, du Parti communiste (section française de l’Internationale communiste) des années 1920, du PCI (section française la 4e Internationale) et des JCI d’après la 2e Guerre mondiale.

Les membres masculins de la LC-LCR font donc leur service au côté des autres ouvriers, employés, techniciens, paysans travailleurs… En 1969, la LC mène campagne pour trois conscrits de Rennes (un ouvrier, un technicien, un prof de l’enseignement professionnel) accusés de lire le bulletin Crosses en l’air. En 1973, la LC est interdite pour avoir attaqué un meeting des fascistes d’Ordre nouveau.

La LCR apparait en 1974. Durant la campagne présidentielle la même année, sa fraction clandestine au sein de l’armée lance une pétition pour les droits démocratiques des soldats, « l’Appel des 100 », qui a un certain succès dans les casernes, jusqu’à gagner des soldats engagés (contrairement aux officiers, ils étaient et sont encore d’origine populaire) et un grand retentissement dans toute la société française. Il apparait entre 100 et 200 comités de soldats, souvent éphémères à cause de la répression de la hiérarchie. Des appelés masqués participent aux manifestations ouvrières. Des militants du MJC (l’organisation de jeunesse du PCF) et de l’AJS (l’organisation de jeunesse de l’OCI) sont entrainés dans l’effervescence.

En 1974, la LCR organise une manifestation de plusieurs dizaines de soldats à Draguignan, à visage découvert, pour leurs revendications. En 1975, la LCR avance même, correctement, le mot d’ordre d’un syndicat de soldats.

Mais la base sociale de la LCR est bien plus étroite que celle de la CGT d’avant 1914 et du PC-SFIC d’avant 1934.

  • Jusqu’en 1974, la LC-LCR considère que le PS est un simple parti bourgeois, elle repousse le front unique ouvrier, considéré comme dépassé (comme LO, RP et les NPA d’aujourd’hui).
  • Après 1968, elle tente même de détruire le cadre de front unique qu’est le syndicat étudiant UNEF (voir Bensaïd & Scalabrino, Le 2e Souffle, 1969) qui aurait pu constituer un appui aux jeunes soldats. La LC lance un « front » étudiant à elle (comme le fait aujourd’hui RP, à plus petite échelle, avec Le Poing levé).

Tout cela fragilise les militants courageux confrontés au corps des officiers, à la Sécurité militaire (la police de l’armée) et aux tribunaux d’exception de l’armée.

Au milieu des années 1970, plaçant ses espoirs dans l’Union de la gauche (un front populaire entre PS, PCF et Parti radical de gauche), la LCR abandonne l’activité antimilitariste. La guérilla est rangée au placard, il s’agit désormais d’imposer des ministres du PCF, de pousser le front populaire à accomplir ses promesses, de le pousser en avant. Weber rejoint le PS.

Entre autres promesses fallacieuses, le programme commun de l’UG annonçait la réduction du service militaire à 6 mois. Le front populaire de Mitterrand et Marchais accède au gouvernement en 1981. Sur l’exigence de l’état-major, des capitalistes de l’armement et des partis bourgeois, les crédits militaires sont maintenus. Les jeunes travailleurs restent 12 mois aux mains de la hiérarchie militaire, dépourvus des droits démocratiques (voir Maxime Launay, La Gauche et l’armée en France, de mai 68 à nos jours, 2025).

À la fin de leur parcours politique opportuniste, Bensaïd et Krivine renient l’Internationale communiste du vivant de Lénine et la 4e Internationale du vivant de Trotsky et liquident la LCR en 2009 pour lancer le NPA semi-réformiste et quasi-pacifiste.

Depuis, le NPA s’est décomposé entre Ensemble, RP, NPA-R, NPA-AC… Celui-ci a adhéré, comme le POI, au Nouveau Front populaire (un bloc électoral de LFI, du PS et du PCF avec EELV). Or, le programme du NFP n’a pas un mot sur l’armée française qui vient d’intervenir pour empêcher l’indépendance de la Kanaky. LFI, le PS et le PCF prêchent le pacifisme aux Kanaks comme aux étudiants et aux travailleurs de la « métropole ». Tous les partis ouvriers bourgeois (LFI, PS, PCF) qui participent au NFP sont chauvins, veulent conserver la « Nouvelle-Calédonie » sous la botte de leur bourgeoisie et veulent renforcer l’armée impérialiste.

Jean-Luc Mélenchon a présenté son plan pour la Défense nationale, en fixant comme premier objectif de garantir son indépendance et d’assurer la protection du territoire français… À l’avenir, nos sous-marins nucléaires pourraient être détectables. Il a donc appelé à avoir une réflexion approfondie sur le sujet et à se poser la question d’un transfert vers l’espace de nos moyens de dissuasion… Il a posé la question des moyens stratégiques à développer pour assurer la souveraineté de la France… (Jean-Luc Mélenchon le blog, 1er février 2022)

Dans ces conditions, évoquer les comités de soldats des années 1970 est, de la part de la direction du NPA-AC, une tromperie, une escroquerie honteuse.

2 octobre 2025

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